Il y a assez de motifs pour penser que la Wamba actuelle ait été la villa royale de Gérticos à l’époque wisigothe, lieu où il semble que naquit Recesvinto et où il mourut en 672, et où Wamba fut élu successeur, Gérticos étant située dans
cette zone où se trouvait une église wisigothe dont les restes de décoration sont conservés au Musée archéologique de Valladolid. Par la suite, il y a en 928 une référence à Frunimius, sans doute titulaire du siège de León ces années-là, évêque de Wamba, et le monastère de Wamba est aussi mentionné dans un document de l’année 948. Il est donc fort possible que, pendant le repeuplement de toute cette région après la conquête par Alfonso III des territoires situés au nord du Duero, et étant donné l’intérêt démontré par la monarchie asturienne à être considérée comme prolongation de la wisigothe, le repeuplement d’un lieu si important pour le règne wisigoth ait été prioritaire, l’associant au nom d’un roi qui y avait été élu et dont ils gardaient un très bon souvenir, ce qui impliquait la reconstruction immédiate de l’église qui s’y trouvait depuis les temps de Recesvinto. D’après l’analyse de ses différences avec San Cebrián de Mazote, elle fut sans doute la première à être reconstruite dans la zone, et, contrairement à San Cebrián, elle aurait été repeuplée par des personnes qui arrivaient du nord car, comme nous le verrons, il s’agit d’un édifice beaucoup plus proche des influences wisigothes et asturiennes que de celles que pouvaient apporter les chrétiens provenant de Al-Andalus.
Bien que nous connaissions la structure de son plan original, on ne conserve de l’église mozarabe que le triple chevet, la première travée des nefs et tout le mur nord alors que le reste
fut substitué et agrandi à la fin du XIIème siècle, quand María de Wamba dépendit des “Caballeros Hospitalarios de la Orden de San Juan”. Elle a une forme semblable à celle de Santa María de Lebeña mais plus allongée, composée d’un rectangle de 18m de long sur 12 de large, divisé en neuf zones par des arcs en fer à cheval sur des piliers, auquel s’adosse un chevet de trois absides rectangulaires, l’abside centrale, plus grande que les latérales, saillant dans le mur de chevet et qui, comme à Mazote et contrairement à Lebeña, ont leurs murs extérieurs parallèles et le chevet de même largeur que le reste de l’église. Cependant, la forme intérieure des trois absides est rectangulaire, comme dans l’église cantabre. Son plan ressemble aussi beaucoup à ceux de l’ensemble des églises cruciformes wisigothes qui trouvent leur origine dans l’importation du modèle du Mausolée de Gala Placidia à Ravène pour la construction de San Fructuoso de Montelios qui, d’après nous, et comme nous l’avons déjà indiqué à plusieurs reprises, fut suivi dans des églises telles que, Santa Comba de Bande, San Pedro de la Mata, Santa María de Melque ou San Miguel de Tarrassa et qui continuerait dans des édifices carolingiens comme
Germiny-des-Prés. Â Wamba, l’influence de l’art asturien est aussi très visible dans les contreforts qui se trouvent sur les murs latéraux et dans la forme de son chevet tripartite, plat et dépassant l’abside centrale, bien que dans ce cas, nous ne pouvons pas savoir si, comme à Lebeña, les trois compartiments qui se trouvaient sur le côté opposé formaient aussi un portique de type asturien. Actuellement, nous ne pouvons voir extérieurement que deux des murs de chevet où nous observons plusieurs styles de construction à de différentes hauteurs. Le reste de ce qui subsiste encore est entouré d’édifications postérieures.
La distribution de l’espace intérieur dut beaucoup ressembler à celui de Santa María de Lebeña, mais l’impression produite est très différente étant donné qu’à Wamba il n’y a ni colonnes ni chapiteaux, les arcs étant appuyés presque directement sur les piliers au moyen de cimaises qui s’allongent vers l’intérieur des arcs, amplifiant l’effet de fer à cheval, ce qui les prolongent jusqu’à 2/3 de rayon. Cette église a une autre particularité: la hauteur totale de chaque ouverture est le double du diamètre de son arc, relation très petite si nous la comparons avec ce qui est habituel dans
l’art mozarabe de cette zone et plus adéquate à celui de la Navarre, de la Marque Hispanique et surtout à l’art wisigoth, les ouvertures de fixation du support du rideau de séparation entre les fidèles et le clergé, indispensable dans le culte de l’Espagne wisigothe, qui maintenant se définit comme liturgie mozarabe, se conservant encore sur les côtés de l’arc central d’accès au transept. Il faut aussi ajouter à tout cela la sensation de solidité que produit toute la zone conservée de la construction mozarabe, avec ses arcs en vousseaux de grande taille, très bien taillés, l’extrados incrusté dans le mur, et ses cimaises, volumineuses elles aussi, et peu décorées, ainsi que le fait que, au lieu de nouvelles techniques apportées par les mozarabes, on n’ait utilisé, comme couverture de chacun des espaces conservés, que des voûtes en berceau en forme de fer à cheval, typiques de l’art wisigoth bien que, dans ce cas, très peu prolongées, situées longitudinalement, à une hauteur très supérieure à celle des arcs qui l’encadrent et très bien construites en petites pierres de taille. Le résultat final est d’une esthétique beaucoup plus fermée que l’habituelle dans le mozarabe astur-léonais, rappelant plusieurs édifices wisigoths, ce qui fait penser que Wamba pourrait être l’église la plus ancienne de toutes celles considérées comme mozarabes
dans le royaume astur-léonais et qu’elle aurait même pu être reconstruite sur une église wisigothe, réutilisant une partie importante de sa structure et y ajoutant un chevet de type asturien mais très influencé par l’art wisigoth dans son levé.
Quant á sa décoration sculptée, elle est très limitée car elle se réduit aux frises de type pseudocorinthien, ressemblant aassez à certains éléments de San Fructuoso de Montelios, situées sous les cimaises de l’arc d’entrée à l’abside sud, à la triple moulure qui décore la partie inférieure des cimaises de tous les arcs, qui rappellent celle qui se trouve dans la partie supérieure des arcs de Santa María de Melque, et les impostes formées uniquement d’une saillie rectangulaire, qui marquent le commencement des voûtes en berceau. Les peintures qui se conservent encore sur le mur de la chapelle majeure semblent plus intéressantes, formées de huit médaillons aux motifs semblables à ceux de la frise supérieure de quintanilla de las Viñas, entourant deux croix. En principe, bien que le motif des médaillons paraissent beaucoup plus anciens, les peintures sont considérées du XIème siècle, ou même du début du XIIème, si nous les rapprochons des médaillons des aigles de San Baudelio de Berlanga, bien que d’après nous, nous doutions que les peintures de Berlanga soient postérieures à l’an 1100, et si c’était le cas il n’y aurait pas de motif pour mettre une date si tardive à celles de Wamba.
Comme conclusion, il est évident que nous nous trouvons devant un monument très intéressant pour connaitre le développement
de l’art mozarabe, mais qui, contrairement à l’église de San Cebrián de Mazote située dans les environs, est difficile à analyser car les influences wisigothes et asturiennes y sont beaucoup plus significatives que les mozarabes, à tel point que si le chevet n’était pas si clairement de type asturien, sans antécédents connus dans l’art wisigoth -car les triples chevets de San Juan de Baños et Santa María del Trampal sont très différents-, nous pourrions penser que nous nous trouvons devant un cas semblable à celui de Santa Comba de Bande, et qu’à la fin du IXème ou début du Xème, au moment du repeuplement de la zone, les nouveaux occupants se limitèrent à reconstruire,de façon la plus ressemblante possible à l’originale, une église wisigothe qui existait encore en grande partie, comme nous pouvons l’observer dans la partie basse de son chevet, jusqu’à environ deux mètres de hauteur, et ils utilisèrent pour cela les connaissances et les structures qui existaient à cette époque dans les territoires chrétiens, comme les triples chevets asturiens et les voûtes en berceau en fer à cheval dont le modèle le plus proche se trouvait à San Juan de Baños, à un peu plus de 50kms. Par la suite, ce modèle serait utilisé avec quelques modifications dans la recontruction de Santa María de Lebeña.
Nous pouvons voir aussi à Santa María de Wamba , outre un intéressant chapiteau byzantin de la fin du Vème siècle, converti en bénitier, qui pourrait avoir inspiré les tailleurs des chapiteaux les plus intéressants du mozarabe de la zone, un ample ensemble de thèmes intéressants dans la partie de l’église reconstruite par les “Caballeros Hospitalarios de la Orden de San Juan”, cistercienne du XIIème siècle, un compartiment adossé au transept nord, de date incertaine,couvert d’une voûte d’arêtes avec une colonne centrale qui rappelle San Baudelio de Berlanga, bien que non comparable en taille, plusieurs peintures et sculptures de différentes périodes, et un étonnant ossuaire qui conserve encore partie des milliers de squelettes déposés du XIIIème au XVIIIème siècle.
Imagen del Arte Mozárabe; José Fernández Arenas
SUMMA ARTIS: Tomo VIII
L’Art Preroman Hispanique – L’Art Mozarabe: Jacques Fontaine(ZODIAQUE)
Arte y Arquitectura en España 500/1250: Joaquín Yarza