SANTIANES DE PRAVIA
Remarques préliminaires
- Déclarée Bien d’Intérêt Culturel, avec la catégorie de Monument Historico-Artistique, le 3 Juin 1931.
- A été l’objet, tout au long de son histoire, de plusieurs interventions qui empêchent de connaitre sa structure originale.
- Entre 1975 et 1981, des fouilles furent menées dans l’église ainsi qu’une complète restauration dirigée par Menéndez-Pidal, avec des résultats très discutés.
Environnement historique
Le roi Silo(774-783), époux d’Adosinda, soeur de Froila I, mort prématurément quand son fils Alfonso était encore trop jeune pour lui succéder, fut proclamé roi malgré l’opposition d’une partie importante de la cour de Cangas de Onis. Peut-être pour cette raison et aussi parce-qu’il convenait de centrer davantage la capitale dans le territoire du royaume qui comprenait déjà la Galice, il transféra la cour à Pravia, l’ancienne Flavium Avia romaine, où il fit construire un palais et une église en l’honneur de l’Apôtre et Evangéliste San Juan, et qui semble avoir aussi été utilisée comme panthéon royal.
De cette église, signée d’un curieux acrostiche détruit en 1662, où la phrase “SILO PRINCEPS FECIT” pouvait être lue de plusieurs façons différentes, et qui fut transformée en monastère à la mort de ce roi, il existe des références dans les chroniques de l’époque d’Alfonso III.; il nous est arrivé aussi une description de son état au début du XVIIème siècle, supposé très ressemblant à son état originel. Elle subit par la suite plusieurs transformations, la première en 1637, où tout le chevet fut remplacé, et plusieurs au XIXème siècle, où le transept fut agrandi et la façade ouest substituée. Au début du XXème siècle il ne restait que quelques vestiges de la construction originelle: quelques murs de maçonnerie et deux arcs de brique de part et d’autre de la nef centrale, sur des piliers à bases et des impostes décorées de profilés de filets échelonnés. À cette époque, elle fut étudiée par Fortunato Selgas qui en proposa une structure initiale et, entre 1975 et 1980, elle fut étudiée et reconstruite sous la direction de José Menendez Pidal.
Description
Le résultat actuel, après tant de transformations, nous présente une église de plan basilical composée de trois nefs, la nef centrale deux fois plus large que les nefs latérales dont elle est séparée par des arcatures de trois arcs en plein cintre appareillés en brique sur des piliers de section carrée, avec un transept un peu plus large que les nefs, divisé aussi en trois sections séparées par de grands arcs en plein cintre, les trois absides de plan rectangulaire qui furent construites au XVIIème siècle, celle du sud un peu plus large que ce côté du nouveau transept, et un portique à la base, divisé aussi en trois parties – la partie centrale fut utilisée comme panthéon royal- et surmonté d’une tribune. Mais, si nous tenons compte de la description du jésuite Luis Alfonso de Carvallo au début du XVIIème siècle et de l’information obtenue dans les excavations de la fin du XXème, il ne fait aucun doute qu’il existe trop de motifs pour croire qu’ il y a de grandes différences entre une reconstruction, peut-être excessivement inspírée des églises connues du temps d’ Alfonso II, postérieures d’ un demi-siècle, et sa structure originelle.
En effet, alors que Carvallo nous décrivait un chevet tripartite mais avec les absides semi-circulaire, on ne trouva dans les excavations que l’abside centrale, qui est effectivement de type semi-circulaire un peu surhaussé et dont la situation est marquée sur le sol de l’abside actuelle. On a pu aussi vérifier que le transept original avait la même largeur que les nefs, de telle sorte que son plan origine le plus probable serait formé par un rectangle de presque 25m de long sur 13 de large, divisé en six espaces formés par les trois nefs, la nef centrale deux fois plus large que les latérales, un transept un peu plus étroit que la nef centrale, tripartite aussi, une abside semi-circulaire surhaussée faisant suite à la nef centrale, et un portique, utilisé comme mausolée, un peu moins large que la nef centrale. D’ autre part, toute l’ église était couverte d’une toiture de bois sauf l’ abside qui, d’ après les dernières excavations, paraissait recouverte d’ une voûte de toba.
Il faut aussi prendre en considération que toute la décoration trouvée, aussi bien celle qui existait dans l’église à la fin du XVIIIème siècle et que l’on retrouve aujourd’hui à Cudillero de façon peu justifiable, qu’ une grande partie découverte aux dernières fouilles, a clairement une origine visigothe. Aussi bien l’autel, formé d’ une dalle de pierre sur un solide pilier octogonal, que les chancels avec décoration taillée au ciseau de cercles sécants et aux bordures de décoration végétale, les vestiges d’une fenêtre formée par deux arcs en fer à cheval encadrés d’une sorte d’alfiz et appuyés sur des colonnes, où les petites fenêtres en forme de fer à cheval qui se conservent encore dans les murs latéraux, nous amènent à penser qu’il existe encore trop d’éléments visigoths pour une église qui a été reconstruite dans un clair esprit d’époque postérieure.
Mais encore plus surprenante est la présence, au pied de la nef sud, de fonts baptismaux découverts lors des dernières fouilles de Menendez Pidal. Il s’agit d’un baptistère appelé d’immersion, taillé dans un bloc de grès d’environ 60cms de côté sur 30 de profondeur et qui, par sa situation, dans la zone la plus retirée de l’église et possiblement avec une entrée directe de l’extérieur, semble correspondre à un rite chrétien très antérieur à l’époque de Silo qui interdisait au néophyte l’accès au culte avant d’avoir été baptisé. Nous devons souligner aussi le fait que le sol du chevet, des nefs et du presbytère est à différents niveaux, tout en conservant une partie de l’originel autour de la piscine baptismale et une autre dans le presbytère, construit en Opus Signinum de couleur rouge alternant avec cailloux noirs, très habituel dans l’architecture romaine.
Comme nous l’avons dit antérieurement et partant du fait qu’autant l’acrostiche de Silo que les manuscrits de l’époque nous garantissent que cette église fut construite par le roi Silo et sa femme Adosinda, c’est à dire aux environs de l’an 780, nous trouvons une série d’éléments pouvant être considérés comme sûrs, qui la rattachent autant à l’architecture espagnole antérieure, qu’à l’art asturien, surtout avec celui des règnes d’Alfonso II et Alfonso III:
- L’abside semicirculaire surhaussée ressemble énormément, non seulement par sa forme mais aussi par la présence de contreforts extèrieurs, à l’abside de la basilique de Veranes, à moins de 50 kms de Pravia et estimée du Vème ou VIème siècle. Si nous considérons que toutes deux sont situées dans deux communautés provenant de l’Espagne romaine qui furent habitées pendant l’époque visigothe, il semble raisonnable d’envisager la possibilité que, dans le plan initial de Santianes, des constructions antérieures existantes dans la région aient eu une grande influence, et Veranes en est un bon exemple. Des absides de ce genre se trouvent aussi dans des églises espagnoles antérieures comme San Bou à Menorque, Aljezares à Murcia (Vème siècle) ou Recópolis en à Guadalajara (VIème siècle).
- Les fonts baptismaux d’immersion, système qu’on avait cessé d’utiliser en Espagne depuis le VIème siècle, rappellent ceux qui se trouvent dans les églises des Vème et VIème siècles dans la péninsule, tels que San Pedro
de Alcántara à Málaga (VIème siècle), Idanha a Velha au Portugal (VIème siècle) ou Aljezares, et dans certaines basiliques des Baléares, bien qu’à Santianes ils soient moins profonds et que n’existent pas, comme dans les autres, les sept marches tel que le décrit San Isidoro, trois pour en descendre, la marche centrale et trois pour y monter. - Le type de sol trouvé, de claire ascendance romaine ou paléochrétienne, non utilisé dans le reste de l’architecture asturienne connue.
- Toute la décoration trouvée, aussi bien dans l’église au XIXème siècle que dans les fouilles postérieures, qui forme, sans aucun doute, un ensemble de type visigoth.
- Les vestiges de la nef centrale, qui selon toute apparence appartiennent à la construction de ce roi, sont un clair antécédent de l’architecture asturienne postérieure, au moins dans la structure de ses nefs, mais les piliers carrés ne sont pas nouveaux dans l’architecture préromane espagnole, avec des antécédents de différentes époques tels que ceux, déjà mentionnés, de Son Bou et Aljezares ou San Pedro de la Nave à Zamora (VIIème siècle). Quant aux arcs en plein cintre en brique, ils étaient aussi habituels dans l’architecture romaine en Espagne, et il est possible qu’il existe des constructions d’arcs de ce genre aux environs de Pravia, par exemple à Veranes, ou même à Flavium Avia, puis qu’il paraît que l’ensemble de Silo a été construit sur une ancienne villa romaine.
- Tous les autres vestiges que nous y trouvons, comme le chevet et le transept actuels, la façade occidentale et sa tribune et tous les levés de l’église, y compris sa toiture actuelle, sont des reconstructions postérieures, qui peuvent nous sembler plus ou moins réussies mais dont la structure d’origine n’est pas garantie. Ils ne nous offrent donc pas une information fiable sur leur état initial et peuvent peut-être nous en donner une vision déformée.
Conclusions
Tout ceci amène à considérer Santianes de Pravia comme un maillon fondamental lors de l’analyse des origines de l’art asturien, sur lequel on a tant spéculé. Il est donc très important de tenir autant compte de l’époque de sa construction, quelques années après la montée sur le trône de Charlemagne (711) et bien avant l’existence de l’Empire et de l’art carolingiens, que de l’incommunicabilité à cette époque de l’art asturien, vu que, jusqu’à Silo, sa cour avait été enfermée dans les montagnes à Cangas de Onis. D’autre part, l’existence d’un acrostiche compliqué, ajoutée au niveau culturel évident du Beato de Liébana, qui, pendant ce même règne, écrivait ses “Commentaires à l’Apocalypse”, maintenant une discussion théologique de haut niveau avec Elipando, évêque mozarabe de Tolède, nous amène à penser que le règne asturien n’était pas resté étranger à tout le développement culturel roman et visigoth dans la péninsule. Il faut aussi considérer que d’après la Crónica de Sebastián, sous Alfonso I (739-757) beaucoup d’églises avaient été construites et restaurées, bien que nous n’en ayons pas de vestiges, ce qui ne met donc pas en doute la continuité de la culture visigothe aux commencements de l’art asturien que, pour le moment et en attente de nouvelles découvertes, nous ne pouvons analyser qu’à Santianes de Pravia et à Veranes. Toutes ces circonstances du règne asturien à l’époque de la construction de l’église, nous amènent à penser que l`élément fondamental qu’ apporte Santianes à l’art asturien postérieur et qui consiste dans l’utilisation des arcs en plein cintre sur des piliers dans la structure des nefs, doit être considéré comme un saut en arrière dans la tradition constructive hispanique, au lieu de l’attribuer à de possibles influences externes.
Si nous partons de ce principe et tenons compte que, comme nous l’avons vu, grande quantité des vestiges qui se conservent de la construction initiale ont de clairs antécédents dans les monuments de différentes phases de l’art espagnol antérieur, nous arrivons à la conclusion que nous nous trouvons face à un édifice qui est le résultat de la fusion de multiples éléments hétérogènes: Nous y trouvons mêlés un plan qui rappelle les structures des basiliques de genre paléochrétien, avec un chevet semicirculaire surhaussé, trois nefs au toit plat, un portique et un baptistère d’ accès indépendant de l’extérieur, avec des éléments si différents tels que les arcs en plein cintre, en brique sur des piliers, semblables à ceux qui furent utilisés dans l’architecture romaine, un transept de type visigoth, la décoration, aussi de type visigoth, qui a pu être réutilisée ou développée pour l’église selon des techniques et des styles qui survivent encore, ou l’utilisation du portique en tant que mausolée royal. Tout ceci nous amène à considérer Santianes de Pravia comme un clair exemple de la théorie que nous avons émise dans l’introduction à cette étude, à savoir que la caractéristique fondamentale de tout l’Art Préroman Espagnol, sauf pendant les règnes d’Alfonso II et AlfonsoIII, est son eclectisme. En effet, cette église est clairement un antécédent de l’art asturien postérieur, mais elle a été construite avant que, du temps d’Alfonso II, se normalise le plan de ce genre d’édifices, ce qui explique qu’on ait utilisé, sans aucune norme préfixée, aussi bien dans sa structure que dans sa décoration, différents éléments qui existaient déjà antérieurement et qu’un seul, mais fondamental – les arcatures en plein cintre sur piliers carrés – se soit maintenu comme caractéristique fixe dans tout l’art asturien postérieur sauf pendant la période ramirense.
De plus, dans ce cas, il serait intéressant d’envisager la possibilité que, ce que l’on considère une nouvelle construction du roi Silo, pourrait avoir été la reconstruction d’une basilique déja existante à l’époque paléochrétienne. En effet, bien que, dans cette assimilation de différents éléments architectoniques antérieurs que nous proposons pour Santianes, le genre de construction et le reste des caractéristiques commentées soient parfaitement acceptables dans un édifice de l’époque du roi Silo, la présence de fonts baptismaux d’immersion est impensable à la fin du VIIIème siècle. De plus si nous considérons que notre église se trouve dans ce qui avait été une ville d’origine romaine qui, comme Veranes, aurait été habitée jusqu’alors, et la structure de son plan, si semblable aux vestiges de Veranes, il serait logique de penser qu’il aurait pu y exister une basilique d’une époque antérieure sur laquelle on aurait construit l’édifice de Silo, conservant une grande partie de la forme du plan et les fonts baptismaux. Mais il nous semble qu’après tant de modifications au long de plusieurs siècles, il sera difficile d’arriver à une conclusion définitive sur ce thème et sur les levés originels de cette église .
Autres informations intéressantes
Accès: d’Oviedo, prendre la A-66 direction Gijón pendant 20km jusqu’à la A8/E70, continuer 28kms jusqu’à la AS16. Continuer 5,5km, à Pravia prendre la AS-224, à 1km se trouve la déviation à Santianes
Coordonnées GPS: 43º 30′ 7,26″N 6º 5′ 57,18″W.
Téléphone d’information: Office du tourisme, Tél: 985 82 12 04 Demander rendez-vous à ce téléphone.
Horaires de visite: du mardi au vendredi 10h à 14h et de 16h à 18h et samedi de 11h à 13h, avec réservation préalable de la visite soit au comptoir de l’office de tourisme de Pravia, sur le téléphone 985 82 12 04 ou dans le courrier électronique officialismo@pravia.es.
Musée : à côté de l’église se trouve un musée préroman où sont exposées les pièces originales récupérées dans les œuvres de réhabilitation de l’église, une vidéo introductive pour connaître l’histoire de l’Église et de la monarchie Asturienne, panneaux de présentation, maquettes… La visite comprend une visite guidée du musée et de l’église et dure entre 45 et 60 minutes au total.
Bibliographie
Arte Pre-románico Asturiano: Antonio Bonet Correa
SUMMA ARTIS: Tomo VIII
L\’Art Preroman Hispanique: ZODIAQUE
Ars Hispanie: Tomo II
Arte Asturiano: José Manuel Pita Andrade
Portails
Santianes de Pravia
Oficina de Turismo de Santianes de Pravia
El Proyecto Veranes
Oscar O. Otero: Autobiografía del Rey Silo.