MEZQUITA DEL CRISTO DE LA LUZ
Remarques préliminaires
- Bien qu’il s’agisse du monument le plus important de l’Art Islamique qui se conserve à Tolède, cette mosquée fait partie de notre étude de l’Art Préroman Espagnol en raison de la relation entre sa structure et celle d’un ensemble important de monuments chrétiens de cette époque.
- Mosquée construite au Xème siècle, et convertie en église chrétienne après la prise de Tolède par Alfonso VI en 1085.
- Nos remerciements à Arturo Ruiz Taboada qui nous envoya le document “El conjunto arqueológico del Cristo de la Luz” et pour sa patience et son attention, ainsi que celles des autres menbres de l’équipe de restauration du Cristo de la Luz pendant une visite inattendue de l’été 2008.
Environnement historique
A l’heure actuelle, l’édifice se compose de deux parties très différenciées: L’une est formée d’un transept et une abside de style roman-“mudéjar”, construits au XIIème siècle, après la reconquête de Tolède par Alfonso VI; l’autre est la “Casa de Oración” d’une mosquée arabe, datant de l’époque du calife, à laquelle fut adossé l’ensemble antérieur et qui, comme il est dit dans une inscription découverte en 1899 sur la partie supérieure de la façade principale et traduite par Amador de los Ríos, fut commandée par Ahmad ibn Hadidi, dont nous ne savons rien d’autre, et terminée par l’architecte Musa Ibn Alí, à la fin de l’année 999, bien que, d’après d’autres versions de cette traduction, par exemple celle que nous offre Pijoán dans le tome XII du “Summa Artis”, il soit specifié que “cette mosquée fut reconstruite et sa partie supérieure rénovée”. Amador de los Ríos lui-même fit un projet de restauration de tout l’ensemble et inclut la “Casa de la Oración”, qui serait la partie la plus ancienne de l’édifice qui se conserve, qu’il considérait comme la reconstruction d’une église wisigothe, et dans laquelle il remplaçait l’abside et le transept “mudejares” par un chevet formé de trois absides semi-circulaires, version très peu vraisemblable pour une église wisigothe, la complètant d’un “patio” porché et de nefs latérales.
Il s’agit d’une petite mosquée de quartier, dont le nom arabe n’a pas été conservé, et qui fut donc appelée de Valmardum (Bab-al-Mardum), nom de la porte de Tolède située à proximité dans la même rue. Comme il est habituel dans beaucoup de cas de ce genre, il existe une légende selon laquelle, grâce à un miracle, quand les troupes chrétiennes s’emparèrent de la ville en 1085, un crucifix fut trouvé dans l’un de ses murs avec une lumière encore allumée, on suppose qu’avant l’invasion arabe, ce qui parait indiquer, étant donné qu’il ne s’était écoulé que 85 ans depuis sa conversion en mosquée, qu’on se rappelait encore qu’à l’époque wisigothe il y avait eu à cet endroit une église chrétienne. Pour cette raison, elle fut convertie immédiatement en église et elle est connue sous le nom du “Cristo de la Luz”.
A partir de ce moment-là, l’église fut l’objet de multiples modifications, la première au XIIème siècle, pendant lequel l’abside et le transept “mudéjares” lui furent ajoutés, faisant disparaitre pour cela le côté nord-est de la construction originale. Tout au long des huit siècles pendant lesquels fut maintenu le culte catholique, un portique fut ajouté devant la façade principale ainsi qu’une tour carrée de 5m de côté, adossée à l’abside et qui ne fut pas terminée, un cimetière fut créé sur le côté nord et on utilisa aussi l’intérieur de l’église pour divers enterrements. En même temps, on adossa peu à peu d’autres édifices à plusieurs côtés.
Mais c’est à partir du milieu du XIXème siècle et cela pendant presque un siècle que l’édifice fut l’objet des plus grandes transformations. Redécouvert en pleine période romantique, il attira l’attention des intellectuels de l’époque, qui encouragèrent un ample ensemble de mesures pour essayer de récupérer l’aspect original de sa phase islamique bien que certaines parties de l’édifice, tout en éliminant les édifices adossés, étaient complétées, restaurées ou remplacées suivant le sens historiciste de l’époque, ce qui empêche de connaitre actuellement l’aspect original de certaines zones. Un cas très significatif est celui qui concerne le mur supposé de la qibla, refait presque entièrement, et où un arc central fut aussi inclus dans sa reconstruction, détruisant son état antérieur, sauf peut-être la partie basse du mur et les fenêtres supérieures, ce qui nous empêche de savoir s’il y avait un mihrab et au cas où il y en aurait eu un, où il était et quelle était sa forme.
Description
Pendant 2008 il s’est développéun programme complet de recherche archéologique et restauration de la mosquée et son environnement est en train de se dérouler, ce qui permet de connaitre en profondeur les caractéristiques de l’édifice et de la zone de Tolède, et de corriger seulement une partie des mesures antérieures. Quelques-unes des conclusions obtenues jusqu’à présent permettent d’éclaircir beaucoup des informations contradictoires qui existaient sur l’histoire et la structure du “Cristo de la Luz”. Parmi les plus intéressantes en ce qui concerne l’édifice du Xème siècle, nous pouvons faire ressortir les informations suivantes:
- La découverte, sur l’esplanade nord du Cristo de la Luz, d’une voie romaine de six mètres de large et sous laquelle apparut un égout. La voie, sur laquelle fut construite une partie de la Mosquée, est l’une des plus importantes que nous connaissions en Espagne. Elle est formée de grandes dalles en granit et avait une direction nord sud. La structure urbanistique de la zone fut modifiée sous la domination arabe: la voie romaine fut enterrée sous un ensemble de nouvelles constructions parmi lesquelles notre mosquée, avec ses rues correspondantes.
- Aucun vestige d’édification antérieure n’a été trouvé sous la “Casa de la Oración”, ce qui nous fait écarter la possibilité qu’elle ait été construite sur une église wisigothe antérieure.
- Les vestiges apparus sous l’abside du XIIème siècle correspondent à la fondation de cette abside, construite en pierre très épaisses. Il n’est apparu non plus aucun reste de construction romaine, comme on le pensait à l’origine.
Son plan a la forme d’une croix grecque inscrite dans un rectangle de 7,90×8,60m, formant neuf compartiments presque carrés, d’un peu moins de 2m de côté et séparés par des arcs en fer à cheval. Toutes les travées ont 8m de haut, sauf la coupole centrale, supportée sur quatre colonnes cylindriques avec des chapiteaux wisigoths réutilisés,qui atteignent les 10,60m. Comme nous l’avons indiqué, une grande abside semi-circulaire lui fut ajoutée au XIIème siècle sur le côté nord-est, abside considérée comme la construction la plus ancienne que nous connaissions de style roman- mudéjar, ce qui modifia sensiblement le plan original. Gomez Moreno supposa, en raison des vestiges de fondation trouvés en 1909, que le mihrab devait se trouver au centre du mur de la qibla, qu’il devait avoir un plan carré un peu plus grand que les compartiments et qu’il aurait été modifié pour placer l’autel quand elle fut convertie en église au XIème siècle, mais, selon les recherches actuelles, ces restes datent du XVIème siècle et aucune trace du mihrab n’a été trouvée.
Bien que, comme nous le verrons, sa technique de construction et toute la décoration qui se trouve dans les zones qui conservent leur structure originale soient clairement islamiques, nous ne connaissons aucune construction de ce genre dans Al-Andalus qui pourrait être un antécédent du Cristo de la Luz, avec un plan de tracé si différent de celui de la Mosquée de Cordoue. Dans l’Art Islamique, nous ne pouvons trouver qu’hors d’Espagne quelques édifices semblables de construction antérieure, comme les mosquées de Balkh (Afghanistan), Tabataba (Egypte), ainsi que deux mosquées à Tunis, Bu- Fatata et celle des Trois Portes de Kairouan, cette dernière étant la plus ressemblante et qui fut construite en 866 par un personnage provenant de Al-Andalus. Cependant, ce type de structure est très habituel dans l’art chrétien: il s’étendit à partir de Byzance à toute l’Europe depuis des dates fort antérieures à l’apparition de l’Islam et généra une tradition d’églises préromanes cruciformes en Espagne, dont le premier antécédent pourrait être la Basilique de Carranque, si proche de Tolède, et qui continuerait dans d’intéressants édifices antérieurs au Cristo de La Luz, comme San Fructuoso de Montelios, Santa María de Lebeña ou San Miguel de Tarrasa entre autres, et même dans quelque édifice carolingien comme Germiny-des-Prés, construit par l’évêque Teodulfo, d’origine Wisigothe.
Construite en brique et mortier de chaux, sauf dans quelques zones telle que la partie inférieure conservée du mur de la qibla, où se trouvent des pierres de taille réutilisées, son image actuelle est celle d’un grand cube d’où ressort, au centre de la couverture de tuiles à quatre versants, une lanterne centrale carrée et couverte aussi d’un petit toit à quatre versants, supportés dans les deux cas par de grands auvents sur des modillons. Par la suite, une travée droite et une grande abside semi-circulaire furent ajoutées, en style mudéjar qui concorde parfaitement avec l’édifice original, formant un ensemble homogène, d’une esthétique extérieure très attirante.
La façade principale est formée de trois corps,dont le premier renferme trois portes terminées en arcs de forme différente, celle située à gauche par un arc polylobulé, la centrale par un arc en plein cintre, résultat d’une modification postérieure et la dernière par un arc en fer à cheval. Le second corps est décoré avec une double arcature entrelassée en fer à cheval et le troisième présente une jalousie ajourée où se trouve l’inscription cuphique à laquelle nous avons fait allusion, qui nous informe sur son origine et sa date de construction et qui a la particularité d’être la seule inscription arabe connue qui soit créée exclusivement à base de fragments de briques.
La façade située sur le côté gauche, qui aboutit à un patio où un puit est encore conservé, sans doute utilisé pour les ablutions, est formée aussi de trois arcs en fer à cheval inscrits dans des arcs en plein cintre beaucoup plus hauts, encadrés par un triple “alfiz”. Sur eux se trouve un bel ensemble d’arcs en fer à cheval, décorés avec l’utilisation de vousseaux à deux couleurs au style de ceux de la Mosquée de Cordoue, dans des arcs polylobulés. L’ensemble se ferme par une frise double décorée de briques placées en dents de scie, sur laquelle se trouvent les modillons qui supportent le grand auvent du toit. En ce qui concerne les deux autres façades, comme nous l’avons déjà indiqué, celle de la qibla a été très modifiée, conservant un arc en fer à cheval reconstruit, et la quatrième opposée à la principale, disparut au XIIème siècle, au moment de l’ampliation mudéjar.
Mais, si tout ce que nous voyons à l’extérieur appartient sans aucun doute à l’art islamique, nous pensons que nous devons considérer à l’intérieur deux niveaux de caractéristiques très différentes. D’une part, ce que nous pourrions appeler le premier niveau, qui inclut la forme de son plan et la structure générale de l’édifice, n’a, comme nous l’avons indiqué, aucun antécédent dans Al-Andalus et rappelle cependant les églises mozarabes les plus proches de l’art wisigoth comme Santa María de Wamba et Santa María de Lebeña, toutes deux antérieures d’au moins un demi-siècle, aussi bien par l’impression de solidité que donne le système formé par les douze arcs qui supportent sa structure, que par sa forme en croix inscrite dans un carré et divisée en neuf compartiments dotés de systèmes de couverture indépendants qui, comme dans les cas indiqués, sont séparés par des arcs en fer à cheval qui s’appuient sur des piliers avec impostes dans le murs latéraux, et sur quatre colonnes avec chapiteaux et impostes au centre, qui en outre, supportent la lanterne.
C’est au second niveau que nous nous trouvons face à l’art des califes le plus pur. Sur les arcs en fer à cheval se trouve un autre ensemble de petites arcatures, formées dans ce cas par des arcs en fer à cheval polylobulés qui constituent le système d’appui des neuf petites coupoles indépendantes qui couvrent chacun de leurs espaces. Toutes ces coupoles sont différentes, formées par des entrelacements d’arcs sur lesquels s’appuie une fausse voûte en maçonnerie, ces arcs sont aussi en fer à cheval dans tous les cas, sauf dans le compartiment qui se trouvait le plus près du “mihrab”, où il sont trilobulés. Ce système de voûtes à base de coupoles à nervures qui ne se croisent pas au centre, qui sera un élément très significatif dans quelques édifices mozarabes, s’inspire clairement de celui que nous trouvons dans l’agrandissement de Al-Hakam II de la Mosquée de Cordoue quelques années plus tôt.
Conclusions
Autres informations intéressantes
Moyen d’accès: C/ Cristo de la Luz, s/n, 45003 Tolède. Située à l’entrée de la ville par la côte du Cristo de la Luz, traverser la Porte de Bib-Al-Mardon. Coordonnées GPS: 39°51’38″N 4°1’27.3″O
Téléphone d’Information: Office du Tourisme: 925 25 41 91- 925 25 40 30.
Horaire des visites: de Lundi à Dimanche, week-end et jours fériés inclus, de 10 à 14h et de 15,30 à 18h. Fermée le 25 Décembre et le 1 Janvier.
Tarifs: Géneral: 2,30?. Réduit: 1,40?. Mercredi après-midi gratuit pour Européens.
Bibliographie
SUMMA ARTIS: Tomo XII
Arts & Civilisations de l’Islam: KÖNEMAN
L’Art Preroman Hispanique – L’Art Mozarabe: ZODIAQUE.
Portails
Mezquita del Cristo de la Luz
Las mezquitas del Cristo de la Luz y de las Tres Puertas de
Qayrawan
Mezquita Bab Al Mardon
Proporciones áureas de la Mezquita del Crito de la Luz.
Vista
Panorámica del Cristo de la Luz